Street doctor

Ce jour-là, je n’avais pas d’appareil photo sur moi. C’est pourquoi cet article ne sera pas accompagné d’images. Nous allons donc tenter de les faire naître autrement.

Imaginez-vous d’abord le centre de Rio. Comme dans toute grande métropole, c’est une immense fourmilière remplie de monde en flux constant, pressés, joliment emballés dans des costards et des tailleurs. De très hauts immeubles modernes côtoient des bâtiments historiques , et une circulation permanente de voitures, de taxis et de bus rend la traversée des  avenues difficile. Ajoutez à ce tableau des vendeurs de friandises posées sur des tables, au milieu de la rue, de temps en temps un homme qui tire une charrette remplie de carton qui passe au milieu du courant incessant de voitures, et vous obtiendrez une image assez proche de la réalité du Centro Carioca.

Maintenant, imaginez, au milieu de ce désordre, assis à une toute petite table pleine de matériel médical , un petit homme d’une soixante d’années révolue, un peu grisonnant et bientôt chauve, tout tassé sur lui même, de petites lunettes perchées au bout du nez et rasé de près. Il porte une blouse blanche qui a perdu de sa blancheur et autour du cou un stéthoscope qui a vieilli lui aussi.

Il est là, au milieu d’un trottoir, la foule lui passant autour à toute vitesse, et il attend que quelqu’un vienne lui demander ses services. Pour 7R$ il propose un check up complet de santé: cholestérol, tension, rythme cardiaque, diabète, etc. Tout est analysable en à peine 5 minutes grâce à sa batterie de machinerie médicale de pointe dont il est très fier.

Il m’explique qu’il est obstétricien à la retraite, et qu’il profite de son temps libre pour faire ces consultations dans la rue. Il en profite aussi pour réviser son cours de droit qu’il est en train de suivre maintenant par pur intérêt intellectuel. Il a toujours le sourire au lèvres quand il me parle, même s’il pleut un peu et que peu de monde passe le voir.

On discute un peu, il parle vite. Il me dit qu’il aimait aider les femmes à accoucher, et que maintenant qu’il est à la retraite, il veut se rendre utile: il y a beaucoup de monde qui n’a pas les moyens de s’offrir un vrai médecin alors qu’il peut les assurer de leur bonne santé en quelques minutes seulement et pour une poignée de reais. Je lui raconte que je fais des études ici, et que ça me plait. Au bout d’un moment, il me dit que comme je suis polie, il va contrôler gratuitement ma tension. Il sort de sa boîte une petite machine blanche avec un écran, reliée à un brassard autogonflant. Il m’explique que toutes les informations apparaîtront sur l’écran mais me prends quand même le pouls, par habitude certainement, pendant que la machine mesure mes données. Au bout de quelques secondes, le verdict apparaît, je suis en parfaite santé. Même si j’angoissait un peu de l’hygiène moyenne du brassard en plastique qui a dû être utilisé par des centaines de personnes avant moi, mon coeur a gardé un rythme normal.

Enfin, il écrit toutes ces données sur un petit papier grossièrement imprimé à son nom, qu’il me donne. « Ca te fera un souvenir ». Je me lève, il replonge dans ses révisions, et tout repart comme avant.

Le Brésil est un pays où la vie est difficile pour certains, mais où une solidarité existe bel et bien. Si vous avez un peu d’argent vous embaucherez quelqu’un de plus démuni pour tous vos petits travaux. Vous n’oublierez pas de jeter par terre votre canette en métal pour que quelqu’un d’autre la ramasse, la jète avec ses semblables dans un grand sac en plastique qu’il mènera jusqu’à la station  de recyclage. Si vous avez été médecin, vous pouvez passer votre journée assis à une chaise dans le centre, sous la pluie, à attendre. C’est aussi comme ça qu’une société arrive à tourner.

2 réponses à “Street doctor

  1. Très blé article =) Merci

  2. rosemarie debray

    c’est émouvant ma petite carozinha, maman

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